Créée en 1919 sous le nom d’Auxiliaire de la Presse, la société de monitoring média Auxipress s’apprête à célébrer son centenaire. Le moment idéal pour examiner comment l’entreprise s’est adaptée aux nouvelles attentes de ses clients et à l’évolution du métier.
Joachim von Beust, CEO de l’entreprise depuis 1978, et Didier Chevalier, Chief Strategy & Innovation, évoquent pour nous ces transformations.
Quels ont été selon vous les moments forts des 100 premières années d’Auxipress ?
Didier Chevalier : Le premier changement majeur après le rachat d’Auxiliaire de la Presse en 1978, a été le lancement du service matinal en 1993. Cette réactivité reste cruciale dans la stratégie actuelle d’Auxipress. Nous avons toujours été à la pointe du progrès, et avons commencé à analyser les informations publiées en ligne dès 2003. En 2007, nous avons lancé notre plateforme électronique, ce qui nous a permis de fournir à nos clients des informations issues des principaux canaux en 15 à 30 minutes.
Si les exigences en matière de rapidité de réception d’informations sélectives ont toujours été très élevées, elles le sont encore plus de nos jours. L’information doit être rapidement détectée et transmise au client. C’est un véritable tour de force vu l’explosion actuelle des données. Le plus grand tournant dans notre façon de travailler a été causé selon moi par le lancement du premier iPhone en 2007 et par la montée en puissance des réseaux sociaux. Ces innovations ont changé radicalement le monde des marques, et jouent désormais un rôle central pour les entreprises et organisations. Ce sont elles qui impriment le rythme et qui doivent assurer leur survie dans un écosystème complexe avec les médias et le public, qui parle de ces marques essentiellement sur les réseaux sociaux. A vrai dire, on ne sait plus très bien aujourd’hui qui influence qui. Nous croulons déjà sous les informations, et celles-ci continuent à se multiplier à vive allure.
A cela s’ajoute la fâcheuse tendance des fake news, qui complique encore plus le contexte dans lequel les marques opèrent. La réputation d’une marque se fait ou se brise en une heure. Conscients du rôle que nous pouvons jouer en la matière, nous nous positionnons depuis quelques années autour du concept de brand intelligence.
Auxipress évolue donc du monitoring média à l’expertise en brand intelligence…
L’offre intégrée actuelle consiste à collecter et diffuser des informations (monitoring) et à réaliser des analyses de contenus et de données (Media & Brands Analysis) pour fournir aux marques une vision à 360°, des benchmarks, des tendances et même des prévisions. Au fil des ans, Auxipress a développé les compétences requises pour détecter les informations correctes, traiter une grande quantité de données et en extraire des recommandations et des prédictions.
Les innovations portent principalement sur le traitement de très gros volumes de données et de ressources pour réaliser des benchmarks, renforcer le marketing d’influence des clients en détectant et analysant les sujets qui sont importants pour eux, guider les annonceurs dans leur communication et leur recours aux médias. Par ailleurs, nous avons aussi développé nos solutions numériques Uniq et Auxi Alert et continuons à envoyer des revues de presse le matin.
Joachim von Beust : Nous ne nous contentons plus d’offrir des coupures et revues de presse à nos clients. Aujourd’hui, nous engageons des partenariats stratégiques avec les marques pour les aider dans leur positionnement et repositionnement. Alors que nos revues de presse tendaient une sorte de miroir aux marques en leur montrant ce que disaient d’elles les médias, nous les aidons maintenant aussi à anticiper. Pour ce faire, nous avons dû engager de nouveaux profils, adapter notre vocabulaire et nous adresser à d’autres interlocuteurs chez les annonceurs. Nous nous tournons de plus en plus vers le service marketing, en plus du service communication. Nos informations n’ont plus seulement une valeur tactique comme autrefois, mais aussi stratégique.
Comment les marques vont-elles utiliser Auxipress à l’avenir ?
Nous allons encore mieux les accompagner. Dès à présent, nous leur proposons des analyses qui montrent leur positionnement dans un domaine déterminé et par rapport à la concurrence. Grâce aux big et smart data, nous pouvons prouver le discours que les lecteurs attendent d’une marque. La combinaison de nos informations, et plus particulièrement des insights consommateurs, de l’analyse des médias et de nos études peut déterminer la façon dont une marque doit se positionner et anticiper. Ces outils vont encore évoluer, d’autant plus que les réseaux sociaux poursuivent leur développement.
D.C. : Nous analysons en permanence les centres d’intérêt en sillonnant les réseaux sociaux afin de fournir aux marques des recommandations pour leur communication. Nous pouvons effectuer des recherches très spécifiques en fonction de l’âge, du sexe et même de la géolocalisation. Nous n’allons pas élaborer la stratégie de communication à leur place, mais nous conseillons les annonceurs sur les sujets à traiter de façon prioritaire, les verbatim à utiliser, quand communiquer, etc. Nous pouvons citer en exemple le travail accompli dernièrement pour un parti politique dans le cadre des élections municipales. Nous avons analysé son programme et l’avons confronté aux objectifs de communication et aux centres d’intérêt sur les réseaux sociaux. De cette façon, nous avons pu voir immédiatement si le bon verbatim était utilisé et montrer que certains sujets prenaient de l’importance sur les réseaux sociaux. Le parti, qui avait négligé cet aspect jusque-là, a pu adapter son programme sur la base de nos analyses.
Avez-vous l’intention de vous positionner comme une agence-conseil à l’avenir ?
J. v. B. : Ce n’est sans doute pas le terme exact, mais c’est en fait ce que nous faisons déjà. Quoi qu’il en soit, nous voulons engager un partenariat avec les marques pour les aider à prendre les bonnes décisions.
D. C. : Dans tous les cas, nous sommes surtout là pour partager notre expertise sur des sujets spécifiques avec le marché, que ce soit à travers des présentations, des études ou des white papers. Récemment, par exemple, nous avons fait une présentation sur le « politiquement correct dans les médias »lors du Belgian Communication Summit 2018, et publié un white paper intitulé « Fake News, la désinformation en mode numérique ».
Dans quelle mesure les scandales liés aux données tels que Cambridge Analytica ont-ils modifié votre façon de travailler ?
Cambridge Analytica n’a pas changé radicalement la façon de travailler des analystes Auxipress, car nous ne nous sommes jamais aventurés dans l’exploitation des données personnelles des internautes ou socionautes. Nos modèles d’analyse incluent entre autres l’analyse des centres d’intérêts des publics et des influenceurs en fonction des enjeux des marques de nos clients, mais les méthodes d’analyse mises en place ne s’intéressent pas aux personnes prises individuellement ; elles tentent plutôt de déterminer des familles d’influenceurs ou des profils de publics sur des centres d’intérêt recherchés. Pour disposer d’échantillons de données représentatives, nous restons sur des groupes d’individus de 10.000 personnes, un seuil qui permet de mettre en évidence des constats, des tendances, des prédictions, sans risque de déformation des conclusions d’étude. Cambridge Analytica et ses conséquences sur la disponibilité des données, renforcés en Europe par le RGPD, sont venus au contraire souligner la force de notre modèle d’analyse.
Comment favorisez-vous l’innovation au sein d’Auxipress ? Envisagez-vous de racheter des start-ups ?
J’aime à répéter que nous sommes une jeune pousse qui fête bientôt ses cent ans. L’innovation est au cœur même de notre ADN. C’est une vraie gageure de faire évoluer une entreprise centenaire en élargissant notre éventail de solutions grâce à une bonne compréhension des enjeux et des risques. Il faut constamment faire des choix.
Cela dit, nous préférons collaborer avec de nouveaux acteurs plutôt que de procéder à des rachats. Ce dernier modèle est un peu dépassé. Pour Auxipress, innover consiste à être à l’écoute du marché et à rencontrer des partenaires potentiels pour lancer ensemble des initiatives sur la plateforme Auxipress, qui doit être aussi agile que possible. Nous avons récemment engagé une collaboration avec Piximate, une start-up spécialisée dans la reconnaissance de logos. Qui sait si, dans dix ans, nous ne communiquerons plus uniquement qu’à l’aide d’images ? L’identification des visages, des émotions sur les photos, etc., est une tendance que nous suivons de près.
J. v. B. : Nous pouvons aussi citer notre collaboration structurelle avec SoPRISM, une start-up spécialisée dans le social data mining. En ce moment, des pourparlers sont également en cours avec une société de marketing d’influence. Nous devons rester vigilants quant aux compétences que nous voulons ajouter à notre expertise. Au niveau international, des entreprises semblables à la nôtre ont procédé à diverses intégrations, des expériences qui n’ont pas toujours été concluantes. Souvent, elles ont débouché sur des situations encore plus chaotiques. L’intégration organique est une démarche beaucoup plus profitable.
Interview de MM Marketing