Tous les thèmes ne se valent pas dans les agendas tant politiques que médiatiques. Pour preuve: si les sujets liés à la mobilité et au climat sont tous essentiels, ils ne bénéficient pas de la même couverture dans les pages des journaux et dans les initiatives de nos dirigeants.
Vous ne trouverez sans doute personne pour vous affirmer que la mobilité serait plus importante que les changements climatiques, ou l’inverse. Pour autant, ces deux thèmes ne bénéficient pas du même espace dans les médias « print » et les médias digitaux tant « natifs » (7sur7, Newsmonkey) que « dérivés » des médias classiques (les pages internet du Soir de La Libre et autres…. C’est en tout cas ce qui ressort d’une étude effectuée par Auxipress. « Et nous avons observé que 22% des articles belges sur un an, du premier octobre 2020 au 30 septembre 2021, parlent de près ou de loin de notre mobilité. A travers les sujets principaux que sont la politique, l’aménagement du territoire (les routes, les voies de circulation, les zones piétonnes qui se développent…), les enjeux budgétaires et économiques, les conséquences du Covid, l’emploi, la technologie et les entreprises. Au final, les sujets liés à la mobilité constituent le sixième topic de l’agenda médiatique belge après la santé, le sport, le logement/territoire, la sécurité et la politique sur un an », détaille Gregory Piet, Senior Solutions Consultant chez Auxipress et auteur de l’étude.
Par contre, si le changement climatique est un enjeu global majeur, il n’est, lui, pas encore au cœur de l’agenda médiatique belge. « On observe que seulement 2% des articles belges sur la même période parlent de près ou de loin du climat. A travers des sujets principalement liés à la politique, l’Europe, l’international, l’habitat, le territoire, l’économie, le pouvoir d’achat, la santé, la sécurité et la prévention, la mobilité et le militantisme. Les enjeux énergétiques ne viennent que beaucoup plus loin dans les résultats. »
Avis de tempête sur le contenu climatique ?
Comment expliquer une telle différence ? « Tout est dans les aspect concerts des choses », résume Piet. « Les gens ont du mal à lier le climat à la vie quotidienne. Ce qui est l’exact inverse de la mobilité. Car quand on évoque ce sujet, tout le monde voit tout de suite de quoi on parle et les idées fusent pour trouver des solutions à toute une série de problématiques », note encore Nicolas Baygert, enseignant en communication politique, entre autres, à l’IHECS et à Sciences-Po Paris. Il poursuit: « La mobilité, c’est la politique du quotidien, elle nous touche de près, à travers des considérations locales, régionales et nationales. Tout cela avec des chantiers qui nous concernent au jour-le-jour, immédiatement saisissables par les citoyens. Pensons par exemple aux embouteillages que certains endurent tous les jours, ou aux pistes cyclables qu’il faudrait aménager pour parfaire un quelconque maillage de mobilité. Par contre, concernant le climat, il est davantage complexe d’accrocher le discours dans un environnement plus concret et local, celui-ci étant plus international. De plus, les mesures pour le climat mises en œuvre au niveau belge ont une efficacité disons « hypothétique » et en tout cas difficilement palpable par le plus grand nombre. En d’autres termes, ce n’est pas parce qu’on limite la vitesse à Bruxelles que les icebergs vont arrêter de fondre. L’enjeu est plus global que ça », résume-t-il, un brin provocateur. Et à l’opposé de la logique habituellement opposée à ce type d’argument par le politique et une frange de la société selon laquelle « Il faut bien commencer quelque part. ». « A ça, je réponds tout le temps qu’il faut aussi « finir quelque part ». En concentrant ses efforts sur des chantiers-clé. Je pense par exemple au chantier du EER, qui permettrait, par la même occasion, de redéployer le rail en Belgique. C’est ce que l’Europe appelle « travailler par flagships », c’est-à-dire autour d’objectifs très précis et bien définis. Bref, un ministre d’un pays devrait juste aussi parfois avoir le courage de communiquer honnêtement et de dire que tel enjeu dépasse son niveau de pouvoir. Cette sincérité et ce courage politique devraient servir ceux qui oseraient dire les choses. Ils en ressortiraient plus crédibilisés et paradoxalement plus proches de leurs électeurs. Par ailleurs, quand on parle de rendre les aspects climatiques plus proches des gens, je pense également que les marches pour le climat, qui ont repris le 10 octobre dernier, vont aussi aider à rendre les enjeux plus lisibles. »
Sortir de sa zone de confort…
Paradoxalement, les partis écologistes, traditionnellement rattachés aux thèmes du climat et de la mobilité, ne risquent-ils pas de surtout rester cantonnés à ces thématiques ? « C’est bien entendu le risque », confirme Baygert. « On retrouve beaucoup de ministres Ecolo et Groen en charge de ces sujets à tous les échelons. C’est logique mais c’est quelque part aussi réducteur ! Car un parti au pouvoir doit faire ses preuves sur tous les terrains. Il aurait été très bien qu’Ecolo obtienne des ministères où on l’attendait moins, comme par exemple la défense. C’est par contre un mouvement que Groen a bien réussi à initier. Puisque Petra de Sutter est Vice-Première Ministre et Ministre chargée de la fonction publique et des entreprises publiques. C’est une très bonne chose ! De plus, comme le montre très bien l’étude d’Auxipress, non seulement les thématiques du climat et de la mobilité sont interconnectées entre elles au niveau des compétences qu’elles exigent, mais ces deux thèmes touchent aussi à d’autres secteurs. Comme, par exemple, l’économie. Tout est de plus en plus dans tout. Et tant la construction de nos gouvernements que la communication de nos gouvernants devra en tenir compte à l’avenir. » Un point confirmé par Gregory Piet : « Le Premier Ministre, Alexander De Croo, qui embrasse par définition tous les sujets, est le quatrième politicien à avoir le plus pris la parole sur ces deux thématiques. C’est bien la preuve qu’elles sont aussi transversales qu’essentielles. »
Un article écrit par Frédéric Vandecasserie pour le compte de PUB Magazine.